Ce concert, organisé dans le cadre du 35è anniversaire de la réunification allemande, avait une valeur symbolique. Dans un moment troublé ou le monde semble dominé par la confrontation et la guerre, où la paix peine à se frayer des sentiers parmi les décombres, la Sarre fêtait l’amitié franco-allemande. Deux peuples jadis irréconciliables ouvraient les bras pour se retrouver dans un même moment d’émotion partagée. Sur cette scène improvisée devant un autel où venait de s’achever une messe, je vivais ce que j’ai toujours eu à coeur de défendre : ce qui nous rassemble est bien plus fort que tout ce qui nous sépare… Un instant suspendu, comme une parenthèse d’espérance…
Article paru dans le Saarbrücker Zeitung, suite au concert du 3 octobre 2025 :
Des moments d’émotion avec la légende de la chanson Yves Duteil
Dans l’effervescence de la fête de l’unité de Sarrebruck, la basilique Saint-Jean a offert un refuge musical vendredi soir, avec un invité particulièrement raffiné : la légende de la chanson Yves Duteil.
Par Oliver Schwambach, Rédacteur en chef
Oui, ils sont devenus rares, les grands de la chanson française, dont la musique a aussi nourri cet amour insatiable de la France chez pas mal d’Allemands. Une grande partie de cette histoire n’est plus depuis longtemps qu’un souvenir. Et même la génération de ceux qui ont succédé à Montand, Bécaud, Moustaki et Aznavour sont désormais des gentlemen septuagénaires comme Julien Clerc ou encore octogénaires comme Michel Fugain. Une apparition sur scène pourrait rapidement se noyer dans les annales.
L’une des plus belles chansons du XXè siècle
Pour Yves Duteil, jeunesse et âge (76 ans, après tout) ne semblent pas incompatibles. Une chemise boutonnée avec désinvolture, des cheveux amples et blancs – et un teint évoquant un week-end de fin d’été sur la Côte d’Azur : sur la scène de la basilique Saint-Jean, Duteil apparaît presque aussi frais et jeune que ceux qu’il aime particulièrement chanter, les enfants. « Prendre un enfant » est même considérée comme l’une des chansons les plus marquantes du XXe siècle. Sa magie et sa véracité restent intactes au XXIè siècle. Tout comme Duteil la chante à Sarrebruck : épurée, sincère sur cette mélodie d’une beauté absolue. Un appel subtil mais néanmoins indéniable, à accepter et à prendre les enfants au sérieux pour ce qu’ils sont : de simples enfants.
Il a plus de 200 chansons à son actif.Ce n’est pas pour rien qu’Yves Duteil est considéré comme l’un des chansonniers les plus littéraires. « La langue de chez nous » est son hymne à la langue (française), sa beauté, sa diversité, mais aussi à sa finesse. Il a écrit lui-même plus de 200 chansons, confie-t-il devant la basilique bondée. Ce qu’il garde sous silence : la fréquence et l’estime dont il a été l’objet pour elles. Mais même un artiste aussi grand s’incline avec admiration lors de son concert devant quelqu’un dont peu de gens connaissent le nom (du moins en Allemagne), mais sans qui la chanson serait bien plus pauvre : Pierre Delanoë. Que ce soit « Nathalie » ou « Aux Champs Élysées » ; Duteil nous offre d’abord a capella un petit voyage dans l’univers Delanoë .
Il est fascinant de voir comment Duteil explore la sonorité de chaque mot ; son timbre reste d’une sensibilité attentive et toujours aussi surprenante. Il est accompagné avec brio par un violoncelliste et un bassiste. « Argentine » et « Le Tango du Chocolat », sont simples, électriques dans leur langage mais électrisants, et imposent aussi le respect par leur emphase rythmique. Oui, Duteil était et est bien plus qu’un sympathique conteur à la voix délicate, qui alternant la guitare et le piano, laisse parfois entrevoir des « Secrets de famille » ou fait de petites confessions intimes.
Pas seulement un chansonnier, mais aussi un maire
Pendant environ 25 ans, Duteil a été également maire d’un village d’Île de France (*) . Son engagement ne se limitait pas uniquement à des notes et à des mots, il le traduisait en actes. Un homme remarquable qui grâce au Festival de la musique de la Sarre et à la Fondation de l’Union, était présent à Sarrebrück pour la Journée de l’unité allemande . Sans tapage, mais néanmoins marquant dans l’effervescence de cette grande journée de l’unité.
Von Oliver Schwambach, rédacteur en chef. Photos (photo Tobias Wönne / Union Stiftung)
Le texte original de l’article est en allemand. Merci à Dominik Holl et à Chantal Delbour pour leur aide à la traduction
(*) Précy-sur-Marne
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